la Marseillaise sifflée

vendredi 17 octobre 2008
par  mrap40
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le sport citoyen plutôt que de céder aux pantalonnades politico-cocardières

Les évènements survenus au stade de France ne sont pas acceptables. Ils sont le fruit des replis identitaires qui affectent la République, mais aussi des phénomènes propres au sport de masse. L’exaltation des nationalismes, les violences collectives, verbales ou physiques, quasi tribales qui affectent certains groupes de supporters interviennent autant que le communautarisme sclérosant dans ces débordements.

A l’évidence des supporters de l’équipe tunisienne, en s’en prenant à l’hymne national ont voulu manifester de la façon la plus imbécile, une appartenance identitaire collective contre l’un des symboles de la République Française.

Mais ce repli identitaire sur un stade peut-il être isolé d’un contexte politique qui laisse entendre, jusque dans le libellé d’un ministère, que l’immigration est un risque pour l’identité nationale, sans oublier que d’autres, pour ne pas être en reste, entendent fonder un parti politique quasi racial contre la République qu’ils caractérisent comme étant celle des « souchiens blancs. »

Le repli identitaire exprimé sur les stades contre les symboles de la république ne peut être isolé de l’exaltation des identités qui affecte l’ensemble de la société.

En focalisant sur la seule offense à la Marseillaise et en proposant des mesures radicales, arrêt des matches... exportation des rencontres en province (sous-entendu ! loin des « populations à risque » ! à quand France-Algérie sur le plateau du Larzac !), les politiques de l’actuelle majorité réduisent alors l’incivilité sur les stades à un conflit entre populations françaises dites " issues du Maghreb" et la République. Ils sont rejoints en cela par la direction nationale du MRAP qui valide cette thèse en concluant dans un communiqué que ces débordements expriment la "déchirure" entre jeunes français issus de l’immigration maghrébine et la société française.

Un peu de mesure , un peu de recul !

Si les indignations sont légitimes, elles perdent de leur crédibilité quand elles émanent de représentants gouvernementaux qui ne manifestent pas le même empressement médiatique face à la multiplication des comportements racistes et xénophobes sur les stades. Comme s’il était plus grave de siffler l’ hymne national que d’’insulter un joueur basané ou de jeter une peau de banane à son co-équipier noir.

Concernant les sifflets adressés à la Marseillaise, on s’étonnera aussi de l’emballement actuel dès lors que ces manifestations regrettables émanent de supporters de l’équipe tunisienne, alors qu’auparavant, des supporters israéliens ou corses avaient conspué l’hymne national avec au moins autant de vigueur que les supporters tunisiens.

Pourtant toutes ces incivilités sont des offenses à la République, elles ne peuvent être hiérarchisées et exigent des réponses adaptées pour les endiguer.

Dans sa crainte de voir le Front National spéculer sur les petites actions xénophobes que le candidat Sarkozy avait su engranger lors des dernières élections, le gouvernement se lance dans une offensive patrioticarde assez démesurée. Il s’agirait ainsi d’introduire un délit d’offense à l’hymne national (d’autant plus que l’offense émane de gens soupçonnés de porter atteinte à l’identité nationale).

15 ans après sa mort, il va donc falloir expulser Léo Ferré de nos magasins, (Léo Ferré... encore un rejeton de l’immigration ... italienne celle-là !)
.
« .Arrête un peu tes cuivres
Et tes tambours ...
Le temps que j’baise
ma Marseillaise ...

Et puis assis sur une chaise
Un ordinateur dans l’gosier
Ils chanteraient la Marseillaise
Avec des cartes perforées
Le jour de gloire est arrivé. )

Mais l’explication sociologique et victimisante qui conduirait presque à excuser les débordements au nom des difficultés sociales et du mal vivre des populations jeunes issues de l’immigration coloniale, n’est guère plus acceptable que les réponses cocardières indignées. Vu les tarifs pratiqués au stade de France on peut déjà s’interroger sur la composition sociologique des siffleurs qui ne sont pas forcement les mêmes jeunes que ceux des évènements de 2005 dans les banlieues.

Ces supporters déchaînés s’apparentent peut-être plus, tant numériquement que sociologiquement, aux Kops de Boulogne qui ont offensé et sifflé les cht’is lors de la rencontre Paris Saint Germain- Lens.

S’il est probable que parmi les siffleurs, il y a quelques manipulateurs qui ont lancé le signal d’un chahut identitaire et anti-républicain, il est certain que les comportements tribaux qui affectent beaucoup de groupes de supporters ont amplifié l’incivilité collective.

Pascal Boniface analyse l’ampleur des sifflements comme un effet Panurge. Dans ce monôme identitaire il s’agissait aussi de brailler plus fort que les supporters de l’équipe du Maroc ou de l’Algérie lors de matchs précédents, d’autant plus que les caméras étaient présentes.

Cela n’empêchera pas les mêmes, de soutenir demain l’équipe de France contre les équipes roumaine ou coréenne dans des débordements chauvins bruyants.

Cela n’excuse absolument rien ! mais cela permet de mieux comprendre les phénomènes pour mieux les combattre. Dans le cas présent une forme de tribalisme supporter est venu en renfort du repli identitaire..

S’il convient de partager l’indignation suscitée par ces nouveaux débordements d’incivilités, il faut aussi regretter que la mixité sociale sur les stades ne soit abordée qu’au travers des manifestations de ce genre et qu’il ne soit que très rarement question du sport comme lieu de brassage au-delà des origines de chacun.

Il y a quelques rencontres qui donnent lieu à des débordements identitaires ou racistes, elles doivent être dénoncées sans faiblesse. mais il y a aussi des centaines de milliers de rencontres annuelles ou Rachid fête la victoire ou pleure la défaite avec son pote Thomas, loin des communautarismes qui opposent.

Autour de ces jeunes, il y a des milliers et des milliers de bénévoles, qui entrainent, qui utilisent leur voiture chaque Week-End pour transporter des mosaïques bigarrées et joyeuses de jeunes sur les pelouses de nos stades.

Quand donc leur dévouement pour mieux vivre ensemble fera t’il la une de la presse. ?

L’indignation légitime suite aux débordements communautaires de quelques centaines d’excités, devrait déboucher sur la valorisation de ce dévouement citoyen et le soutien à tous les efforts des acteurs du sport de masse pour lutter contre le racisme et la xénophobie.

Ce serait beaucoup plus efficace que les pantalonnades cocardières et les instrumentalisations politico-médiatiques auxquelles nous assistons an lendemain des sifflets déplorables du match France-Tunisie.


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