L’anti-complotisme borgne
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A propos de l’émission de France3 “Complotisme, les alibis de la terreur "
Un sentiment de malaise s’imposait au fil de l’émission,
Fanatiques en délire, interviews de jeunes complotistes dont le visage flouté ne masquait pas une sélection au faciès… toutes ces images chocs imposaient les assimilations “complotisme = islam = musulman = radicalisation.” au détriment de l’analyse d’un grave problème de société.
Même les “protocoles des sages de Sion” , après un bref rappel historique de pure forme, devenaient le livre de chevet exclusif du monde musulman. Les protocoles étaient “musulmanisés”.
Que la radicalité islamiste et un anti-impérialisme primaire voient la main complotiste des "américano-sionistes" dans chaque phénomène géo-politique est une évidence !, Mais est-il sérieux d’associer Islam, complotisme et attentats de façon aussi mécanique et réductrice ?
Le complotisme a des conséquences structurelles qui ont des effets beaucoup plus larges que la seule radicalité islamiste. Il est le moteur des replis sectaires et identitaires de toute nature et pas seulement du côté de l’Islam. Il est une menace pour la démocratie en livrant des individus en quête d’identité , dont beaucoup de jeunes, aux gourous qui les intègrent dans le cercle des “initiés”.
C’est pourquoi la Fédération des Landes du MRAP s’est engagée dans la lutte contre le conspirationnisme. Nous savons que le racisme se nourrit de ce conspirationnisme, le thème du “complot juif” encore récurrent en est l’illustration.
Mais le complotisme est multiforme. Ceux qui voient du complot sioniste partout, sur la scène internationale ,dans la vie politique ou les médias n’ont d’équivalents que ceux qui voient un complot antisémite derrière toute critique du sionisme colonisateur de la politique israélienne.
Nous ne contesterons pas la mise en cause des conspirationnistes évoqués dans l’émission. Les extraits des prestations des frères Ramadan, d’Hassan Iquioussen, Thierry Meyssan, Etienne Chouard ou encore Michel Colon étaient judicieusement choisis.
Sans oublier Houria Bouteldja l’une des théoriciennes du “philosémitisme d’État” version soft de cette antienne des années 40 “ils sont partout”.
Lourde est la responsabilité de Thierry Ardisson ou Frédéric Taddei qui ont déroulé le tapis rouge de leurs émissions “politique-spectacle” à certains d’entre eux.
Malheureusement une frange de l’antiracisme se compromet avec ces mouvances complotistes antisémites, au nom de la légitime cause pour les droits du peuple palestinien.
Mais là où l’émission a failli c’est dans sa vision borgne du complotisme qui ne nourrirait que l’antisémitisme et la radicalité islamiste.
Très curieusement l’enquête de Ifop-Conspiracywatch qui a précédé cette émission, traitait largement d’une autre théorie évacuée durant l’émission alors qu’elle fait des ravages dans la classe politique ou sur des sites internet de grande consultation : celle du grand remplacement.
L’enquête posait cette question à propos de l’immigration :
C’est un projet politique de remplacement d’une civilisation par une autre organisé délibérément par nos élites politiques, intellectuelles et médiatiques et auquel il convient de mettre fin en renvoyant ces populations d’où qu’elles viennent… “
La réponse est effarante 42% des personnes interrogées adhérent totalement ou en partie au fantasme du “grand remplacement” défendu par Renaud Camus, l’extrême-droite voire même au sein des “républicains”.
C’est un choix politique des auteurs de l’émission que d’escamoter un complotisme de masse dès lors qu’il stigmatise les populations principalement issues d’Afrique ou du Maghreb.
Cet anti-complotisme borgne décrédibilise une émission qui aurait pu être un remarquable outil d’éducation et de prévention contre un fléau qui doit être combattu avec fermeté mais sans exclusive et sans l’éthniciser.