Exhibit B : Des méthodes fascisantes
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Que l’extrême-droite empêche la liberté d’expression ou la liberté de création culturelle, c’est dans l’ordre des choses, il nous appartient alors de nous mobiliser pour défendre la démocratie. Mais quand le totalitarisme, les méthodes fascisantes proviennent de gens qui se réclament de l’antiracisme, Alors il nous faut dénoncer non seulement leurs méthodes, mais aussi dénoncer leur imposture :
Ce ne sont plus des antiracistes, ils rejoignent les Dieudonné et les Tribu K dans le camp de nos adversaires aux côtés de leurs homologues totalitaires d’extrême-droite.
Le MRAP des Landes s’associe aux protestations contre les violences commises lors de la première représentation d’ExhibitB au théâtre Gérard Philippe de Saint-Denis.
Si nous laissons faire ces totalitaires aujourd’hui , demain ils brûleront les livres antiracistes qui ne leur plaisent pas.
Nous reproduisons ci-dessous le communiqué de la LDH de la LICRA et du MRAP paru la semaine dernière et celui du MRAP paru après les violences commises le 27 novembre.
Communiqué de la LDH, de la Licra et du Mrap
La pièce de Brett Bailey, Exhibit B, est au centre d’une controverse qui a pris une forme inadmissible.
D’aucuns, jugeant cette pièce sans l’avoir vue, la considèrent raciste et demandent sa déprogrammation du TGP, à Saint-Denis, et du 104, à Paris. Ils l’accusent de montrer les Noirs dans des positions de victimes, et vont jusqu’à demander son interdiction aux préfets.
Comme si la représentation de la façon dont les préjugés racistes ont pu aboutir aux situations les plus abominables, comme l’esclavage, les discriminations coloniales, les humiliations, les zoos humains, n’avait plus aucun sens aujourd’hui. Comme s’il n’était plus convenable ou utile de montrer comment l’être humain est capable de se comporter quand il se croit supérieur, grâce à la couleur de sa peau.
Dans la France d’aujourd’hui, dont les préjugés racistes n’auront pas disparu, loin s’en faut, nous, organisations antiracistes, affirmons que l’art doit être libre de contribuer à la lutte contre ce fléau, et que nul ne saurait interdire à un artiste de représenter la souffrance qui en résulte, dès lors qu’il n’en fait pas l’apologie. Nous affirmons qu’il n’est pas admissible de faire un procès d’intention à l’artiste au motif qu’il est blanc, la lutte contre le racisme étant universelle et ne pouvant dépendre de la couleur de la peau, des origines ethniques ou des convictions religieuses de ceux qui la portent.
Car l’actualité récente nous rappelle avec force la nécessité impérieuse de promouvoir en permanence le devoir de mémoire. Ainsi, dans un entretien accordé à Sud-Ouest, le 4 novembre dernier, Willy Sagnol a déclaré : « L’avantage du joueur typique africain, c’est qu’il n’est pas cher quand on le prend, il est généralement prêt au combat et on peut le qualifier de puissant sur un terrain. Mais le foot, ce n’est pas que ça. Le foot, c’est aussi de la technique, de l’intelligence, de la discipline. » Ces propos nauséeux et racistes, qui renvoient le joueur africain, le Noir, à l’animalité, à la « puissance », tandis que la technique, l’intelligence et la discipline restent l’apanage des Nordiques, des Blancs, auraient dû susciter une réprobation unanime.
Au lieu de cela, les instances officielles du football ont soutenu l’entraîneur, le président des Girondins a répondu de façon agressive à une demande de sanction en se solidarisant avec Willy Sagnol, et ont été diffusées massivement des images sidérantes de joueurs noirs et méritants venant consoler leur coach !
Si un spectacle de théâtre, dont la diffusion est infiniment plus modeste, ne peut, à lui seul, résoudre la question aussi cruciale du racisme, il est non seulement légitime qu’une œuvre, à sa manière, et avec toute la subjectivité de l’artiste, puisse s’adresser aux spectateurs sans que personne ne s’immisce entre les deux pour juger en lieu et place du public, mais nécessaire quand elle illustre, fût-elle d’une manière crue et dérangeante, les dangers des clichés les plus éculés du racisme.
Paris, le 21 novembre 2014
Oui à la confrontation d’idées Non à la censure et à la violence
communiqué du MRAP
Jeudi soir, un appel à manifestation pour interdire la pièce Exhibit B a réuni plus d’une centaine de personnes se réclamant de la représentativité du « peuple noir ».
Plusieurs militants du comité local du MRAP de Saint Denis se sont retrouvés avec d’autres, devant le théâtre Gérard Philippe pour tenter d’amorcer un dialogue avec les antis Exhibit B ;
Peine perdue, plusieurs tentatives de discussions ont viré à l’insulte, l’injure et même des violences ...
C’est ainsi qu’une des figures « des luttes des sans » à Saint Denis et adhérente du MRAP, âgée de plus de 70 ans, s’est retrouvée à terre après qu’une manifestante l’ai délibérément poussée après lui avoir craché au visage. Choquée, elle a été transportée à l’hôpital le plus proche par les pompiers. Elle revendiquait simplement une écoute réciproque
Nous dénonçons fermement l’attitude pour le moins irresponsable de certains initiateurs de la manifestation qui, par leur appel à la censure et au boycott, ont permis à des groupuscules, dont le discours ressemble à la rhétorique développée par « Tribu K » organisation racialiste, antisémite violente dissoute en 2006, de se remettre en scène.
Cette manifestation est surtout une violence faite aux performeurs acteurs qui, aux yeux de leurs détracteurs, ne seraient pas capables de penser, c’est aussi une violence faite aux antiracistes qui entendaient voir la pièce et en débattre. Les réserves et critiques doivent s’exprimer démocratiquement, en laissant place à la liberté de création et au débat.
Les blessures laissées par l’esclavagisme, le colonialisme, l’apartheid sont profondes. Nous avons à développer plus encore un nécessaire travail de mémoire et de réhabilitation qui prennent en compte les résistances des peuples africains dont beaucoup de leaders ont été sciemment assassinés par l’impérialisme blanc et ses séides en Afrique. Nombre de victimes de l’apartheid, de l’impérialisme et du colonialisme ont d’abord et avant tout été des résistants.
Mais ce travail de mémoire ne peut souffrir d’aucune exclusive : il nous concerne toutes et tous, quelle que soit notre identité d’origine présupposée. C’est ce qui est initié à Saint Denis depuis longtemps et qui doit s’affirmer avec encore plus d’opiniâtreté.
Si un spectacle de théâtre, ne peut, à lui seul, résoudre la question aussi cruciale du racisme, il est non seulement légitime qu’une œuvre, à sa manière, et avec toute la subjectivité de l’artiste, puisse s’adresser aux spectateurs sans que personne ne s’immisce entre les deux pour juger en lieu et place du public, mais nécessaire quand elle illustre, fût-elle d’une manière crue et dérangeante, les dangers des clichés les plus éculés du racisme.
Nous rappelons enfin que la censure est le premier pas vers le fascisme. Le pire serait, au nom d’un certain antiracisme, de le favoriser. Un théâtre qui ferme et c’est la culture pour toutes et tous qui en souffre.
Paris le 28 novembre 2014